Ecole ligure
Fin du XVIe siècle ou début du XVIIe siècle
Bois doré
MEC.2019.4.1
Cette sculpture correspond à l’image qui sera choisie à partir du XVIe siècle pour matérialiser la Vierge Immaculée ou Immaculée Conception ; celle de la femme de l’Apocalypse ou Mulier Amicta Sole (Apo. 12) décrite comme portant un vêtement de lumière, une couronne de douze étoiles et la lune sous les pieds. La couronne – probablement en tôle d’argent – qu’elle portait sur la tête, comme en témoigne les trous visibles au sommet du crâne, a malheureusement disparu. Le croissant de lune émerge des nuées et les pieds de la Vierge reposent sur des têtes d’anges. Elle illustre la dévotion mariale qui s’enracine dans l’île après le Concile de Trente et la Contre-Réforme à travers le culte de la Vierge de l’Immaculée Conception.
La facture de bonne qualité de cette statue laisse à penser qu’il pourrait s’agir d’une œuvre commandée par un notable, un ecclésiastique, une confrérie ou une communauté insulaire. On peut émettre l’hypothèse d’une production ligure, incontestablement de la fin du XVIe siècle ou de la première moitié du XVIIe siècle à une époque où la sculpture à Gênes est dominée par des étrangers à la République, notamment des maîtres lombards, et avant que n’émerge l’atelier d’Anton Maria Maragliano (1664-1739) et ses successeurs. Aussi, l’état « embryonnaire » de la sculpture sur bois dans cette région d’Italie à cette époque rend difficile une attribution formelle. Même si le style de certains éléments (nuages, têtes d’anges) se retrouve en effet dans la sculpture ligure de cette période.
Cette statue est un précieux témoignage de la diffusion du culte marial en Corse durant la période moderne comme celle de l’influence italienne dans l’art sacré insulaire. D’autre part, au-delà de sa signification religieuse et en lien avec celle-ci, cette œuvre permet d’évoquer un sens plus politique prêté à partir du XVIIe siècle à la Vierge comme protectrice de certains territoires : en 1637, l’Immaculée Conception devient la protectrice de la république de Gênes qui à partir de cette date en pare le revers de ces monnaies. En 1638, c’est le royaume de France qui lui est consacré, en 1646, c’est au tour du Portugal et, selon certaines sources, en 1735 (consulta d’Orezza du 8 janvier), les Corses rebellés contre Gênes ont également désigné la Vergine Immacolata comme protectrice du Regno di Corsica. En 1736, le roi Théodore fait frapper au revers de la pièce de mezzo scudo une représentation de l’Immaculée Conception. En 1757, Pascal Paoli instaure l’ordre des Chevaliers de la patrie dont la médaille figurait à l’avers l’Immaculée Conception et au revers sainte Dévote.
Sylvain GREGORI Cliché J.-A. Bertozzi/Musée de Bastia